Article Magazine : MAIF

Télétravail – le pacte de confiance

 

 

 

 

Les trois périodes de confinement ont fait basculer une partie des Français en télétravail. Que conclure de cette expérience inédite ? Certains y ont pris goût, d’autres moins. Panorama d’une révolution en cours.

 

Il y a quarante ans, dans son livre La Troisième Vague, le futurologue américain Alvin Toffler décrivait finement comment des avancées technologiques pouvaient conduire à l’émergence du télétravail : « lorsque nous rendons
soudainement disponibles des technologies qui peuvent placer un poste de travail à faible coût dans n’importe quelle maison, en le dotant d’une machine à écrire intelligente peut-être, avec un fax ou une console d’ordinateur et un équipement de téléconférence, les possibilités pour le travail à domicile sont radicalement étendues. » Ce sens de la prospective est d’autant plus bluffant qu’il a fallu attendre quarante ans l’avènement du télétravail, malgré une maturité technologique, avant qu’une pandémie ne l’impose comme une pratique généralisée. Jusqu’au printemps 2020, il restait des réticences. Les pratiquants du télétravail étaient plutôt rares et surtout des
cadres. Pourtant, on estime que presque la moitié des emplois en France sont potentiellement télétravaillables. Et dans une planète en surchauffe, il n’échappe à personne que l’intérêt majeur du télétravail est de réduire nos déplacements, polluants et chronophages, dans des métropoles saturées…

Le principal blocage, c’est évidemment la crainte qu’un salarié, échappant à tout contrôle, travaille moins chez lui qu’à son bureau ! Sans confiance, pas de télétravail. Inversement, quand la confiance est volontairement placée au coeur du fonctionnement d’une entreprise, plus rien ne s’y oppose.

C’est ce qu’a vécu la MAIF en 2017 avec un accord d’entreprise qui a conduit près d’un millier de salariés à se porter volontaires pour télétravailler un à trois jours par semaine. Une expérimentation à grande échelle, mais avec quelques conditions restrictives, notamment une limite du nombre de bénéficiaires à 20% des effectifs. Tout cela, c’était avant le 17 mars 2020 et ce confinement qui a fait basculer une partie de la France en télétravail. Une révolution sociétale sans précédent. Comme le souligne Caroline Datchary, sociologue et chercheuse à l’université de Toulouse II, nous n’étions pas tous égaux face au télétravail, surtout quand il a fallu improviser, parfois avec des enfants, et dans des espaces familiaux peu adaptés ! Même ainsi, ce fut un moyen très efficace de maintenir un pan de l’activité économique dans un pays déstructuré par la crise sanitaire. Plus de 11 millions de salariés furent alors contraints au chômage partiel quand d’autres restaient actifs sur site, dans des conditions souvent très difficiles, exposés à la propagation du virus. Grâce au travail à distance, la vie a continué : l’enseignement bien sûr, mais aussi tant d’activités essentielles de services, de commerce, d’information. Et d’assurance bien sûr car, si le confinement faisait baisser le nombre d’accidents de la route, il ne stoppait pas les autres sinistres. À la MAIF, parce que nous avions déjà une première expérience du télétravail, la majorité des salariés ont rapidement pu maintenir l’activité de notre mutuelle depuis leur domicile dès le 17 mars.

De ce premier confinement, à la MAIF comme ailleurs, il faut garder le souvenir de cette solidarité qui a permis de faire front face à la pandémie, de créer des liens malgré l’isolement, de porter une attention particulière aux familles, dont les enfants étaient désormais présents 24h/24… Cette solidarité prévalait aussi au travail, même à distance. Et, dans ce contexte très spécial, le télétravail prouvait qu’il pouvait être performant. « Les réticences que nous pouvionsavoir furent largement levées », constatait Pascal Demurger, Directeur Général de la MAIF, lors du déconfinement estival, avant d’impulser un deuxième accord d’entreprise sur le télétravail. Avec cette fois des conditions d’éligibilité plus souples et la possibilité d’adopter un forfait de 1 à 12 jours de télétravail par mois : « Il ne s’agit évidemment pas de dégrader la performance. Le télétravail, c’est aussi un moyen d’améliorer la satisfaction de nos sociétaires, puisque l’une des contreparties demandées à nos collaborateurs va nous permettre d’améliorer l’accueil téléphonique à certains horaires, notamment le samedi matin. » Difficile de tirer le bilan de cet accord basé sur le volontariat, puisque, jusqu’à cet été, nous avons toujours été en situation de « télétravail forcé » par la situation sanitaire. Difficile de se projeter dans ce « monde d’après », même si des sondages ont montré l’intérêt d’une partie des Français pour cette forme d’organisation de leur activité. Avec un bémol important : vivre une situation de télétravail à 100% n’est pas plébiscité, alors que la recherche d’un équilibre dans l’alternance d’une activité sur site et à la maison suscite de l’attrait. Globalement, en France, cette envie s’exprime plus chez les salariés que chez leurs patrons ou managers. C’est la question du contrôle et de la subordination qui est en jeu, et, pour certains, le télétravail n’est envisageable qu’en installant des mouchards, comme SoftActivity ou InterGuard, sur l’ordinateur de leurs salariés…

Spécialiste des relations humaines en entreprise, la philosophe Julia de Funès a une vision très différente : « Le but commun est d’aller vers la performance, et la confiance est très productive, expliquait-elle sur le plateau d’Arrêt sur image (21 août 2020). […] C’est pour cela que les salariés travaillent beaucoup mieux en télétravail : ils se sentent tellement investis de la confiance reçue qu’ils adoptent un comportement digne de confiance ! »

En soi, le télétravail n’est probablement pas un enjeu dans la France d’après la pandémie. Juste un outil. En revanche, ce qui comptera, c’est bien comment nous travaillerons ensemble, sereinement, pour porter la plus grande attention à nos collègues, à nos élèves, à nos clients, à nos concitoyens ou à nos sociétaires. À distance ou en face à face, cette attention est primordiale.

 

 

 

 

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