L’ère du « Client Responsable »

Article de Muriel Barnéoud, Directrice de l’engagement sociétal – Groupe La Poste

 

On a dit du client qu‘il est « co-producteur », « co-créateur »,« consomm’acteur », force est de constater désormais que le client est « responsable », à toutle moins, dans ses attentes. Loin d’être une de ces images qui font les « tendances de l’année », cette évolution, nous l’avons vu s’installer ces dernières années, notamment chez les jeunes générations, et s’affirmer plus largement dans la population avec la crise COVID-19.

Les crises économiques (notamment 2008), les scandales éthiques impliquant de grandes marques aspirationnelles (Nike, Zara…) ou fonctionnelles (les banques, les institutions) et enfin les révélations
successives de l’aggravation de la situation climatique ont fait émergé de nouvelles attentes des clients, toutes orientées autour de plus de responsabilité. L’impact social de la crise sanitaire a élargi les attentes des clients à l’égard des entreprises aux questions sociétales. De ce point de vue, l’engagement sociétal des entreprises est désormais une exigence client.

Au-delà des attentes d’engagement responsable de la part des entreprises, ce qui caractérise le client responsable, c’est justement qu’il souhaite exprimer son propre engagement personnel sur ces mêmes sujets à travers sa consommation. Dès lors, l’offre de produits et services doit permettre au client d’exprimer à travers sa contribution à la préservation de l’environnement, son souci de l’éthique, son engagement pour une société en rapport avec ses valeurs personnelles. L’expérience client devient ainsi une expérience client responsable dont le périmètre relationnel et émotionnel dépasse le cadre de la relation à l’entreprise. Ainsi entendue, l’expérience client responsable devient un levier de différenciation majeur.

L’engagement sociétal des entreprises est désormais une exigence client

Déjà en 2019, 85% des clients considéraient qu’il est important que l’entreprise se comporte de façon responsable (Kantar, avril 2019), et 47% pensaient que cette démarche est déterminante dans le choix d’être client de cette entreprise. En janvier 2020, 87% des Français déclaraient que les entreprises doivent faire de leur engagement RSE une priorité (BVA pour TBWA Corporate). Si la préservation de l’environnement constitue l’attente majeure à ce moment, à peine quelques mois plus tard, les attentes clients en matière d’engagement sur les questions sociétales vont être portées au même niveau avec la crise COVID. Désormais, il est aussi important pour les Français que les entreprises se préoccupent de l’environnement et de la société (respectivement 87% et 81%, IPSOS mai 2020). Les entreprises sont face à une réelle exigence client. D’autant, que cette exigence influe sur le choix du client. Une étude Roland BERGER pour le Club MED montrait que 42% des clients se disaient prêts à payer plus cher pour une marque qui est engagée sur le plan RSE, et ce chiffre montait à 63% dans le baromètre Salesforce « Etat du client connecté » (avril 2019).

Les entreprises se sont mobilisées pour répondre à cette exigence, parfois en l’anticipant depuis longtemps. Cela surprend souvent lorsque l’on découvre que l’offre courrier et colis de La Poste est carbone neutre depuis 2012… pour ne pas évoquer son engagement sur le lien social et la cohésion territoriale ancré dans son ADN ! On peut citer les mouvements stratégiques plus récents de grands groupes. L’engagement de transparence de NIKE sur sa chaine de production, le programme « run for the ocean » d’ADIDAS (16 millions de paires à base de plastique récupéré sur les plages déjà vendues en 2020) ou IKEA et son offre ThisAbles (série d’accessoires à installer sur des meubles les rendant accessibles à tous), le programme ActForGood de Carrefour et, entre autres, sur l’engagement à produire local, la démarche « U de nos régions » de système U ou le positionnement du Slip Français.
N’oublions pas ici l’engagement sur le numérique responsable. Les grands de la tech sont tous engagés dans des programmes ambitieux de Green IT, enjeu considérable dans les années à venir. Dans ce domaine, la question des données puis l’IA ont posé la question de l’engagement éthique au premier plan. En France, nombre d’entreprises sont signataires de la charte de l’Institut du Numérique Responsable, dont le Groupe La Poste a l’honneur d’être co-fondateur. Le mouvement est général. L’entreprise qui ne montre pas les preuves de son engagement sociétal court un risque majeur. Le
succès du développement des applications d’évaluation sociétale des marques (Yuka, ScanUp, MoralScore, EticAdvisor…) et des NutriScore ou EcoScore montre que le client entend fonder ses choix sur ces nouveaux critères. L’ère du green washing est bien derrière nous.

D’autant, que ce mouvement est accompagné en France par la création, dans le cadre de la loi PACTE, de la société à mission. Depuis deux ans, les entreprises, de plus en plus nombreuses, s’engagent de manière volontaire dans cette transformation de leur statut. La publication des raisons d’être en constitue une première étape. Celles-ci montrent bien que les attentes des clients ont été entendues : l’engagement est global, environnemental et sociétal. Les entreprises à mission doivent prendre des engagements concrets qui traduisent de manière opérationnelle leur raison d’être. Et c’est par un comité des parties prenantes indépendant que la réalité de la mise en œuvre concrète de ces engagements sera évaluée. L’engagement sociétal n’est plus seulement au cœur de la stratégie de l’entreprise, il en devient son ADN.

L’expérience Client responsable, nouveau levier de différenciation 

Au-delà de leur propre engagement sociétal, l’entreprise doit répondre à un autre type d’attentes des clients qui souhaitent se voir proposer les moyens d’exprimer à leur niveau leur engagement personnel au service de la planète et de la société dans son ensemble. La réussite de « C’est qui le patron » traduit bien la puissance que peut revêtir cette attente d’engagement des clients. L’évolution des usages vers la fonctionnalité plutôt que la propriété participe de ce mouvement. Le développement de l’économie de « seconde main » avec les succès des plateformes LeBonCoin ou Vinted fait partie intégrante de l’explosion du e-commerce. Les offres relevant de l’économie circulaire sont désormais multipliées par les plus grandes marques : d’Apple (ipad issus à 100% de produits reconditionnés) aux opérateurs de téléphonies (récupération ou échange des anciens téléphones) ; de Veepee avec sa plateforme Re-turn (qui propose aux clients souhaitant retourner une commande de remettre l’article directement en vente auprès des autres membres Veepee) à IKEA qui offre de donner une seconde vie à nos meubles et de les revendre en magasin. Tous les secteurs d’activité sont engagés dans le développement de ces offres.

Dans le domaine bancaire, l’offre se développe avec une volonté de différenciation forte. A titre d’exemple, dès 2021, La Banque Postale mettra à disposition l’application HelloCarbo qui permettra à chaque client de connaître l’impact carbone de ses achats et, le cas échéant, de prendre des mesures de compensation. De même, les épargnants de La Banque Postale pourront choisir et suivre l’impact de leurs investissements en mettant en place le fléchage de l’épargne, notamment grâce à un indicateur propriétaire : le Impact Weighting Factor (méthode interne d’allocation du capital de chaque financement vers des produits responsables prenant en compte les impacts environnementaux, sociaux et territoriaux).

Le B2B y participe au premier plan. La Poste offre aux entreprises la possibilité de réduire leur empreinte carbone. Côté collectivité, la demande est également présente. DPDGroup mesure la qualité de l’air dans trois villes (Paris, Madrid, Lisbonne). Cette solution sera déployée dans 20 métropoles européennes d’ici fin 2021. Les données produites sont mises à la disposition des autorités urbaines et des citoyens.  

Ainsi, devenus exigence incontournable et levier de différenciation, l’engagement sociétal et l’expérience client responsable se combinent dans un projet commun aux entreprises et à leurs clients, celui – au-delà de la responsabilité – de l’impact positif sur la planète et sur la société. Un projet porteur, au moment même d’une crise sanitaire et climatique sans précédent, de confiance dans l’avenir. 

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