Portrait Jean-Louis Kiehl, président de la Fédération Crésus
Accompagner les ménages en difficulté financière et sociale, telle est la vocation de Jean-Louis Kiehl. Et on peut dire qu’il tient son pari. Grâce à l’association Crésus dont il est le président depuis 1990, 97% des 500 000 personnes accompagnées se sont éloignées du surendettement. Initialement, SOS Surendettement rebaptisée Crésus en 2003, avait pour ambition d’aider les salariés frontaliers avec l’Allemagne et la Suisse, ayant perdu leur emploi, à suspendre leurs prêts immobiliers pendant deux ans. Grâce à l’impulsion de Jean-Louis Borloo, alors Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi, le réseau associatif alsacien est finalement maintenu et se déploie sur l’ensemble du territoire français. Aujourd’hui, l’association devenue une fédération compte 200 points d’accueil, 630 bénévoles (anciens salariés des banques, magistrats, avocats ou juristes) et prend en charge 130 000 ménages.
Convaincre du bien-fondé sociétal
“En 2008, année de la crise des subprimes aux Etats-Unis, une grande réforme du surendettement a vu le jour en France. Nous avons donc décidé de professionnaliser notre action et de créer une plateforme proposant aux banques, aux établissements financiers ainsi qu’aux entreprises de nous transmettre les dossiers des clients en difficulté pour anticiper des situations extrêmes”, explique Jean-Louis Kiehl. Au départ, il peine à recruter ; seule la Banque Postale accepte de coopérer. Mais à force de persuasion, il parvient à convaincre les acteurs économiques du bien-fondé sociétal de l’initiative. En 2019, Crésus travaille avec plus de 60 partenaires. “Les futurs partenaires sont sur liste d’attente. Il faut attendre un an pour être accepté. Nous formons ensuite les conseillers bancaires à la prescription de cet accompagnement, afin qu’ils comprennent la mécanique ; nous ne souhaitons pas être victimes de notre succès”, ajoute t-il. Au sein de Crésus, 34 conseillers reçoivent les dossiers transmis par ces partenaires et prennent en charge les ménages depuis une plateforme téléphonique à Strasbourg. Ils réalisent un budget, prennent contact avec les administrations comme le Trésor Public, interviennent auprès des créanciers, etc. La durée de traitement d’un dossier n’a pas de limite ; le but étant de résoudre le problème.
Soutenir les citoyens mal assurés
Au-delà de l’accompagnement des personnes en difficulté financière, Crésus développe des produits de micro-assurance solidaire. Mettre à disposition une garde à domicile pour une mère célibataire obligée de prendre un congé pour s’occuper de ses enfants malades, proposer une assurance responsabilité civile pour les personnes en free-lance, permettre aux personnes en rémission du cancer de financer un projet immobilier, telles sont quelques unes des actions de l’association pour aider les citoyens mal assurés. “Nous essayons d’intervenir régulièrement auprès de la Commission Européenne à Bruxelles et Bercy pour améliorer, par exemple, le traitement des entrepreneurs non salariés qui vont être de plus en plus nombreux”, souligne Jean-Louis Kiehl.
Utiliser l’IA pour aider les personnes en difficulté
Mais la vocation de la fédération ne s’arrête pas là. “Nous menons des actions préventives et éducatives dans les lycées afin d’expliquer le fonctionnement de l’économie, des banques, et ainsi, de réduire les risques de spirale et éviter l’exclusion à l’avenir. Depuis le lancement de ce projet, nous avons rencontré plus de 500 000 jeunes”, indique Jean-Louis Kiehl. En parallèle, une douzaine d’ingénieurs travaille sur la création d’un data lab afin de déployer un outil de prédiction du surendettement en novembre prochain. Mis à disposition gratuitement des citoyens avec un espace personnel sécurisé, il permettra de gérer son budget en temps réel, de trouver des aides sociales – 40% d’entre elles ne sont pas réclamées – et de créer des alertes en cas de difficultés. “Nous permettons aux citoyens d’être mieux informés. Par ailleurs, nous avons développé un logiciel pour détecter dans la voix un risque de suicide de façon à alerter nos conseillers. Il faut savoir par exemple qu’un agriculteur se suicide tous les deux jours en France. On a peur de parler d’argent dans notre pays, et pourtant, c’est un vrai sujet, car les personnes endettées se retrouvent souvent en situation de dépression. Alors, certes, le numérique et l’IA peuvent effrayer par moment, mais il peuvent se révéler très utiles pour créer des actions positives, apporter davantage de bienveillance et de pédagogie”, conclut Jean-Louis Kiehl.
Parcours professionnel :
1967-2000 : Jean-Louis Kiehl passe l’intégralité de sa carrière chez Mercedes
1990 : Création de l’association SOS Endettement avec une magistrate
1991-1998 : Jean-Louis Kiehl fait des études de droit et devient lauréat du concours des facultés
2000 : Nommé délégué du médiateur de la République dans le Bas-Rhin
2002 : Il est élu président de la fédération Crésus
2008 : Il crée une fondation pour faire de la prévention et lance une web radio pour informer les citoyens
Auteure : Claire Morel
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